Portrait d’Abdul Karim, Artisan du cuir, rebelle et passionné

Nous poursuivons notre série d’articles à la découverte de cette Afrique créative, foisonnante de savoir-faire et de talents.

A travers ce nouveau portrait, nous ferons une immersion dans l’atelier de maroquinerie d’Abdul Karim, artisan du cuir, à Ouagadougou. Il partagera avec nous son histoire, son parcours professionnel et sa passion pour le travail des peaux.

Si notre collaboration avec Abdul Karim a débuté il y a plusieurs années, nous esquissons ensemble une nouvelle collection de sacs associant cuir et tissage traditionnel, que nous espérons vous présenter très prochainement.

artisan du cuir

Abdul Karim dans son atelier à Ouagadougou

La passion plus forte que les traditions !

A l’origine, rien ne prédestinait Abdul Karim, artisan du cuir expérimenté et reconnu à exercer ce savoir-faire. En effet, originaire d’une famille royale de l’ethnie des Haoussas (un peuple du Sahel essentiellement établi au nord du Nigeria et dans le sud du Niger jusqu’au lac Tchad), il a très vite dû affronter la résistance de ses parents peu enclins à le laisser s’aventurer sur les voies de l’artisanat, activité indigne de son statut noble.

Pourtant, très jeune, il manifeste une grande fascination pour les peaux et leur travail de transformation. En 1987, faisant fi des contrariétés familiales et des coutumes ancestrales, il se rapproche d’un atelier de formation à la cordonnerie repéré dans un quartier de Niamey où il a grandi, et débute un long processus d’apprentissage chez un artisan-formateur. En même temps qu’il s’adonne à sa passion, il se frotte à la dureté de la vie. Son père ayant en remontrance coupé son argent de poche, il devra, durant 7 années, se contenter du maigre per-diem versé par son patron, qui lui permet tout juste de couvrir un petit-déjeuner frugal. 

L’émir de Muri de la famille royale des Haoussas,    Alhaji Abbas Tafida, et son vizir

Dès la fin de son apprentissage, des opportunités d’exercer son métier s’offrent à lui. Il rencontre d’abord une française à l’initiative d’un groupement d’artisans exerçant plusieurs corps de métier. En 2000, il a l’occasion de faire une première participation au Salon International de l’Artisanat à Ouagadougou (SIAO), évènement de renommée internationale, qui se tient tous les 2 ans. Il est alors repéré par l’un des responsables de la société Tan Aliz, leader burkinabé dans la filière des peaux et des cuirs.

Expérience à l’usine Tan Aliz : Confrontation à la difficile condition ouvrière.

Finalement recruté, il s’installe au Burkina et découvre, après ses premières expériences au sein de petits ateliers, le fonctionnement d’une véritable usine. C’est un changement d’échelle d’abord surprenant. En plus des activités de tannerie, le site comprend une unité de maroquinerie constituée de 21 personnes couvrant l’ensemble des métiers liés à la chaîne de transformation des peaux : des coupeurs, des monteurs, des piqueurs. Notre artisan du cuir a alors la possibilité de se former sur les 3 métiers.

Si cette expérience en industrie lui permet de gagner en polyvalence et d’élargir le spectre de ses connaissances et compétences, elle le confronte aussi aux dures réalités de la condition ouvrière. La société est entre les mains d’Alizéta Ouedraogo, communément surnommée la « Belle-mère nationale ». Proche de l’ancien président Blaise Compaoré, elle est présente dans plusieurs secteurs de l’industrie nationale et soupçonnée de s’arroger abusivement de nombreux marchés publics. 

Les manifestations politiques à l’encontre de l’ancien régime commencent à mettre à mal les entreprises qu’elle détient dans le pays.

Blaise Compaoré reçoit en audience Alizéta Ouédraogo, présidente de la Chambre de commerce (décembre 2013)

Source: http://news.aouaga.com/

Grève des ouvriers de TAN-ALIZ 

Source: http://lefaso.net/ 

Dès 2013, l’usine Tan Aliz essuie ses premières difficultés financières avec des répercussions directes sur les salaires de ses employés qui tardent de plus en plus à être payés. Abdul Karim préfère alors retrouver sa liberté, au risque d’une certaine précarité, plutôt que d’être à la merci d’un patron à l’honnêteté plus que douteuse. Il donne donc sa démission, à temps pour éviter le pire. 

Deux ans plus tard, l’usine sera saccagée lors des soulèvements populaires qui entraîneront la chute de l’ancien régime. Tous ses anciens collègues se retrouveront alors au chômage, sans salaire, contraints de solliciter en vain une aide de l’État.

Ouverture de son propre atelier : la liberté retrouvée !

Notre artisan du cuir chevronné se met à son compte, ouvre son propre atelier, d’abord modeste, avec, pour seul équipement, une machine des plus basiques. Cependant, son talent et son professionnalisme lui permettent de se faire rapidement une petite renommée au niveau local. 

Il est sollicité pour mener un programme de formation à destination de femmes Touaregs réfugiées afin qu’elles puissent réaliser de façon autonome une collection de coussins en cuir. Cette expérience lui plaît beaucoup.

artisan du cuir

Abdul Karim s’attelant à la tâche, à l’aide de sa piqueuse

 Il aime plus que tout transmettre sa passion, son amour pour cette matière vivante, sensible et délicate, son souci du travail bien fini. Et puis, se retrouver au milieu des femmes, rien de plus naturel pour lui. Il est le seul garçon de sa mère. Lui-même n’a eu que des filles. Il se plaît à dire qu’il est donc aussi l’artisan des femmes.

Formations des femmes Touaregs réfugiées

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Collection de coussins en cuir réalisés par des femmes Touaregs réfugiées

Depuis, il a pu se doter d’une piqueuse. Son atelier est de plus en plus reconnu. Il travaille pour plusieurs marques dont Afrika Tiss, mais aussi pour des clients particuliers, essentiellement des femmes bien entendu. Il a à cœur d’être à leur écoute pour réaliser le sac dont elles rêvent. De son côté, il nourrit aussi l’espoir de développer ses propres créations. Et ainsi être reconnu en tant qu’artisan du cuir mais également en tant que styliste.

artisan du cuir
artisan du cuir

Abdul Karim confectionnant une nouvelle gamme de sacs pour Afrika Tiss

Nous avons désormais une nouvelle collection de sacs associant cuir et tissage artisanal, réalisée en collaboration avec Abdul Karim, que vous découvrirez très prochainement sur notre e-shop.

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Pour partir à la rencontre d’autres artisans et découvrir la richesse du patrimoine artisanal africain, RDV sur notre blog !

Venez découvrir!

Venez découvrir des sacs associant cuir et tissage réalisés par Abdul Karim. Toute notre collection d’accessoires Mode et Maison est disponible dans le show-room Afrika Tiss dans les Grands Voisins 

Au plaisir de vous accueillir!

Adresse:

 

AFRIKA TISS,
Galerie de l’Oratoire, Les Grands Voisins,
74 Avenue Denfert-Rochereau
75014 PARIS