Pagne tissé

La teinture indigo, une technique traditionnelle ancestrale

Notre tour d’horizon des textiles africains nous amène à nous intéresser aujourd’hui non pas à un tissu, mais à un procédé, qui lui donne vie et relief : la teinture indigo.

Pagne tissé

Origines de l’indigo

Historiquement, l’indigo est une matière colorante bleue violacée extraite des feuilles et des tiges de l’indigotier, arbuste des régions chaudes de la famille des Fabacées. Le bleu foncé très profond et caractéristique qui en résulte a alors pris ce nom, “indigo”. Ce terme vient du latin “indicum” qui signifie “de l’Inde”. En effet, c’est d’Inde que fût tout d’abord importé l’indigo en Europe dès l’Antiquité. Mais en 2016, la découverte d’une cotonnade au Pérou a démontré que cette teinture, encore employée aujourd’hui pour les blues-jeans, était déjà utilisée dans cette partie du monde il y a 6 000 ans.

Malgré la présence de cette technique de teinture sur tous les continents, les populations d’Afrique de l’Ouest se démarquent par leur savoir-faire, réussissant à faire, à partir de simples feuilles et d’un peu de de temps, de véritables œuvres d’art textiles. La teinture indigo imprègne le tissu d’une identité et d’un véritable message.

teinture indigo

1.

teinture indigo

2.

Technique de teinture

Nous allons tout d’abord tâcher de comprendre par quels mécanismes nous passons de l’arbuste à la teinture. On estime qu’il existe dans le monde entre 200 et 700 espèces de plantes se développant dans des climats très différents et permettant de produire de nombreuses nuances de bleus. En Afrique, les deux plantes indigotières les plus utilisées sont l’Indigofera Arrecta et le Lonchocarpus Cyanescens. La première pousse dans des zones sèches et donne un bleu appelé « bleu des savanes », tandis que la seconde, plus répandue en Afrique de l’Ouest, donne une couleur surnommée « bleu des forêts ».

Les feuilles récoltées sur ces plantes sont utilisées pour préparer la décoction servant à la teinture. Elles sont utilisées fraîches ou séchées et sont compactées en boules et pains de pâte, qui sont ensuite dilués dans de grandes cuves. C’est dans ces cuves que l’étoffe sera teinte.

Dans le cas d’une teinture indigo utilisant des feuilles fraîches, on plonge ces dernières dans une cuve d’eau chaude à laquelle on ajoute de la chaux ou des cendres. La mixture doit décanter, et les teinturiers rajoutent au fil des jours des substances sucrées comme du miel, des dattes ou de la mélasse qui, par réaction chimique, améliorent la qualité de la teinture. Le tissu est ensuite plongé dans le mélange. La durée de trempage dépend de la nuance de bleu souhaitée, mais le procédé peut prendre plusieurs semaines. Ainsi imbibé, il prendra sa couleur bleue au contact de l’air, par une réaction d’oxydation. Si les procédés de la teinture indigo sont globalement similaires pour chaque région, on note des différences entre ethnies et même entre familles d’une même ethnie. Chacune d’entre elle détient son secret de fabrication, permettant de rendre leurs teintures plus subtiles et surtout uniques.

teinture indigo

 3. Cuve d’indigo au Nigeria

teinture indigo

4. L’intérieur d’une cuve d’indigo

teinture indigo

5.6.7.

Réalisation des motifs

En Afrique de l’Ouest, ce sont des cotonnades qui sont principalement teintes, qu’elles soient importées ou tissées localement. Les tissus indigos unis sont magnifiques grâce à la puissance de leur couleur et à la diversité des bleus que l’on peut obtenir. Mais c’est surtout lorsque les étoffes s’ornent de motifs que l’on comprend toute la subtilité et la complexité des savoir-faire des artisans africains.

teinture indigo

Cire, raphia, coquillages, coton, amidon, tous ces éléments sont autant de matières utilisées pour “imprimer” de manière unique les étoffes. On peut distinguer 3 grandes techniques de teinture : par nœuds, par couture et par réserve de cire.

1) La première technique consiste à faire des nœuds sur les parties du tissu brut que l’on souhaite réserver, en ligaturant la base avec un fil de coton ou du raphia. Les poches ainsi créées peuvent être remplies de petits éléments, pour obtenir des motifs plus complexes.

2) Le tissu uni peut également être plissé pour former des réserves ensuite cousues, qui après la teinture révéleront des motifs particulièrement riches et esthétiques. Les Yoruba, une ethnie vivant majoritairement au Nigeria, sont reconnus comme les maîtres de cette technique et plus généralement comme les maîtres de la teinture indigo. Une variante de cette technique est celle de la broderie : le fil brodé en points très serrés dévoile une fois enlevé un motif blanc ou bleu clair.

Préparation des nœuds avant la teinture

teinture indigo
teinture indigo

3) La dernière de ces méthodes de création par réserve utilise donc de la cire ou de l’amidon. Cette technique, très commune, consiste à dessiner à la cire des motifs grâce à des pochoirs et des tampons. Le teinturier peut également dessiner librement à main levée ce qu’il souhaite. Une fois que la cire sera enlevée, les motifs et dessins apparaîtront en négatif.

Pagne tissé

Un tout autre procédé consiste à teindre des fils avant le tissage, pour réaliser ce qu’on appelle un ikat de chaîne et ainsi tisser des étoffes naturellement dégradées. Pour plus de précisions, vous pouvez consulter notre article traitant des ikats !

8.

9.

10.11.12.

Malgré la concurrence que constituent les colorants chimiques, qui permettent de faire des économies et d’accéder à une plus grande gamme de coloris, ces techniques ancestrales de teinture indigo se maintiennent notamment grâce au travail de différents créateurs africains. Ceux-là ont su valoriser ces savoir-faire et en sont aujourd’hui les ambassadeurs, participant à leur diffusion dans le monde entier. Nous vous invitons à regarder le travail d’Aboubakar Fofana, somptueux, ou encore la marque Tensira qui  propose du linge de maison et des accessoires réalisés artisanalement en Guinée.

Nous avons une sélection d’indigo vintage dans notre boutique des Grands Voisins.

Venez la découvrir !

Iconographie

1. https://couture-et-artstextiles.com/lindigo-pigment-emblmatique-de-lafrique-de-louest/ (photo Eugène Kim)

2. https://adirelounge.com/adire-comes-in-the-tradition-of-africans/?v=7b8d2f92148f

3. https://couture-et-artstextiles.com/lindigo-pigment-emblmatique-de-lafrique-de-louest/

4. https://modsafrica.com/2019/02/12/lindigo-et-la-technique-de-teinture-tie-dye/cuve-indigo-

5. https://www.pinterest.fr/pin/557320522617616976/?lp=true

6. https://www.houseofcindy.com/blog/under-the-spell-of-indigo/

7. https://www.pinterest.fr/pin/493566440408675476/

8. https://i.pinimg.com/originals/73/d6/ba/73d6badc27725cc21e69d7f619487e5e.jpg

9. https://www.pinterest.fr/pin/545498573594259304/?lp=true

10. https://www.pinterest.fr/yokomatsuda/african-beauties/

11. http://www.arrowheadvintage.com/2012/08/egypt-1920.html

12. https://afroklectic.tumblr.com/post/12212380652/yagazieemezi-nike-davies-okundaye-is-one-of-a